Villa Cavrois - Coup de cœur

En juin 2015, à Croix près de Lille, la Villa Cavrois classée Monument historique en 1990 et achetée par l’État en 2001, ouvrait au public après des années de restauration. Historien, journaliste et professeur au Rits, une école bruxelloise de cinéma, Luckas Vander Taelen en a poussé les portes.

Quelles ont été vos premières impressions de la Villa Cavrois

J’ai été fort surpris de trouver cette villa dans une région qui a plutôt une réputation industrielle que touristique et au cœur d’un quartier qui n’a rien de particulier si ce n’est qu’on me l’a présenté comme l’un des plus riches de France. Et là, ça prend sens, elle s’inscrit dans la tradition puisqu’elle a été réalisée pour un industriel du textile. La deuxième chose qui m’a impressionné c’est sa beauté et le fait qu’on pourrait croire qu’elle vient d’être construite.

Comment le travail de recherche de Robert Mallet-Stevens transparait-il dans cette Villa ?

Je connaissais peu son travail, mais j’ai été aussi impressionné qu’en visitant un château de la Loire. On est vraiment à ce niveau-là. On parle d’ailleurs de château moderne. On sent le génie de cet architecte qui a une démarche spectaculaire où la pureté des lignes et de l’architecture fait qu’il n’y a presque pas besoin de décoration.

C’est une villa qui a été réalisée pour y vivre, mais il y a peu de mobilier, parfois c’est sévère, tout concourt à mettre ces lignes en valeur. Quand on voit des photos de l’époque, on se rend compte que la famille qui y a habité a vraiment respecté cette démarche. On est au cœur d’un chef-d’œuvre un peu comme si on pouvait s’installer dans une toile de Mondrian.

"On est au cœur d’un chef-d’œuvre. C’est une très belle expérience. On se sent bien dans cette villa, on a envie de rester et de la revisiter. D’autant que c’est à unedizaine de minutes de Lille et pas loin de Lens."

Que pensez-vous de la sauvegarde de la Villa Cavrois ?

Cela me bouleverse qu’on ait réussi à le restaurer et qu’on ait trouvé les fonds nécessaires pour le réaliser. Je suis historien et je suis un grand défenseur du patrimoine qui est aussi l’expression d’une époque.

Pour parler à nouveau des châteaux de la Loire, personne ne remettrait en cause leur restauration parce qu’ils nous permettent de comprendre le passé. Avec la Villa, c’est pareil. Un industriel fortuné sollicite un architecte connu pour construire une maison et cette maison nous en profitons encore aujourd’hui puisque nous pouvons la visiter. À travers elle, c’est une époque qui se dessine celle où de grandes fortunes investissaient dans l’architecture avec un souci artistique et esthétique. Probablement aussi pour asseoir le prestige des commanditaires à l’instar des rois de France et de leurs châteaux qui à l’époque ne servaient pas à se défendre.

Même si je peux imaginer les discussions nécessaires pour arriver à ce résultat, je trouve que c’est un investissement utile, d’une grande lucidité, mais aussi d’un grand courage.

Luckas Vander Taelen, que conserverez-vous de cette visite ?

C’est une très belle expérience. On se sent bien dans cette villa, on a envie de rester et de la revisiter. D’autant que c’est à une dizaine de minutes de Lille et pas loin de Lens. Pour un public belge, c’est tellement proche. Il y a environ une heure de voiture, à l’inverse des embouteillages. Personnellement, j’ai aussi eu envie de me renseigner plus sérieusement sur le contexte historique et sur Mallet-Stevens. J’irai d’ailleurs prochainement à Paris pour visiter une rue bordée de bâtiments qu’il a conçus.

Finalement,qu’est-ce qui vous a frappé dans cette restauration ?

C’est la perfection. Il n’y a pas d’autres mots. Quand j’ai vu l’état initial du bâtiment, je n’en revenais pas. Il avait été squatté et était dans un état de délabrement proche de la démolition.

Ce qui me frappe aujourd’hui c’est la recherche absolue des matériaux d’époque jusque dans les moindres détails jusqu’aux interrupteurs ou au carrelage de la cuisine. L’incroyable rigueur dont ils ont fait preuve. Ils auraient pu mettre quelque chose de ressemblant, non ils ont voulu une rénovation scrupuleuse, à l’identique. Tout le monde rêve de çà.

En contraste, l’une des pièces est restée à l’état de ruines pour que l’on puisse bien mesurer la différence. Là aussi il fallait oser. Dans son ensemble, la démarche est remarquable et j’espère qu’elle portera ses fruits.

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